Sévices publics sur l’audiovisuel

21 11 2008

Surprise! Hier, les députés de la majorité présidentielle ont voté un amendement abaissant de moitié la taxe de 3 % sur les recettes publicitaires des télés privées – supposée financer l’absence de réclames après 20 heures sur les chaînes du service public. Une taxe peu contraignante puisque les chaînes privés bénéficieront prochainement de l’arrêt partiel de la publicité sur les écrans publics, sans compter toute une série d’assouplissements (augmentation du volume horaire de pub, deuxième coupure dans les films et fictions…).

Du coup, le flou persiste quant au financement de l’audiovisuel public. Les syndicats – ainsi que la gauche – montent à nouveau au créneau et accusent le pouvoir en place de vouloir sous-financer le service public pour renforcer, entre autres, TF1 dans un moment où ladite chaîne multiplie les contre-performances d’audience. Preuve de la tension ambiante, les responsables des programmes de France Télévision ont dénoncé, dans un communiqué commun, cet amendement « qui menace la qualité des programmes et condamne la télévision publique ». Selon eux, « les engagements qui lient France Télévisions et les professionnels de la production sont mécaniquement réduits ». « Les oeuvres de la création (fiction, documentaires, animation) sont menacées ».

Après cela, il faut sans doute voir l’intervention du hasard si le vote de l’amendement est intervenue le jour même où le Groupe TF1 annonçait des résultats financiers en berne. Simple concours de circonstance…

Pendant ce temps, Christine Albanel s’évertue à rassurer tout ce petit monde, non sans peine. La tactique gouvernementale est toujours la même: l’avancée par petits pas. Les propositions succèdent aux suggestions – pour faire diversion et prendre au dépourvu la gauche et les syndicats. Et puis les décisions sont prises au compte-goutte.

Dans le rôle du lièvre, Frédéric Lefebvre, Député des Hauts-de-Seine et Porte-parole de l’UMP, très proche de Nicolas Sarkozy, qui glose quotidiennement sur la stratégie de programmation du service public. Pas un jour ne s’écoule sans que le Député pointe la piètre qualité des émissions de France 2 tout en avançant des propositions de concepts très novateurs. Julien Courbet et son programme « Service maximum » servant de contre-exemple. C’est peut-être là le drame et en même temps la bonne idée de Lefebvre: faire de Julien Courbet le symbole du service public d’aujourd’hui pour mieux faire passer la réforme de l’audiovisuel.

Charles Comman/Otto Lustig

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La mondialisation dans l’eau

19 11 2008

Un très beau documentaire hier soir sur Arte. Nous étions gâtés.

Avec le système Arte+7, il est désormais possible de revoir les programmes de la chaîne culturelle jusqu’à 7 jours après leur passage à l’antenne. Permettez-moi, donc, de vous recommander « Pour l’amour de l’eau » d’Irena Salina. A compter de ce soir, il vous reste six jour pour le visionner.

Vous trouverez ci-dessous le lien pour voir et revoir ce programme:

http://plus7.arte.tv/fr/detailPage/1697660,CmC=2306614,scheduleId=2277786.html

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« Durant trois ans, des États-Unis à l’Afrique du Sud en passant par le Rajasthan et la Bolivie, Irena Salina a interrogé scientifiques, militants écologistes, porte-parole d’entreprises ou simples citoyens pour dresser un constat alarmant. L’eau représente désormais la troisième industrie mondiale après le pétrole et l’électricité, mais son caractère vital et sa raréfaction accélérée vont en faire, à court terme, la première ressource potentielle de profits à la surface du globe. Partout, y compris aux États-Unis, l’accès à l’eau potable est devenu problématique, et trente mille personnes meurent par jour dans le monde faute d’en bénéficier. Dans les bidonvilles des pays pauvres, la privatisation des réseaux, encouragée par la Banque mondiale – au profit notamment de deux multinationales françaises, Vivendi et Suez, et d’une britannique, Thames Water, les trois plus offensives en la matière – exclut un nombre croissant d’habitants, incapables de payer des factures qui ont augmenté brutalement. Et alors que l' »or bleu » excite de plus en plus ouvertement les convoitises, on découvre que le Conseil mondial de l’eau, créé officiellement pour arbitrer entre les intérêts contradictoires des États, des entreprises et des citoyens, est dirigé ouvertement par les représentants de Vivendi, Suez ou Veolia. Aux États-Unis, autre exemple, l’administration républicaine a refusé d’interdire le composant chimique nocif désormais proscrit en Europe, l’atrazine, que l’on retrouve, entre autres, dans l’eau du robinet. Quant à Nestlé et autres vendeurs d’eau en bouteille, ils se livrent à une compétition effrénée pour capter ce marché de plus en plus lucratif, quitte à saccager sources et rivières. »

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Cette présentation a le mérite de résumer assez justement la thèse du film, étayée par des témoignages et preuves visuelles aussi tangibles que déconcertantes. Et à mesure que le film se déroule, on en vient à craindre ces multinationales qui se moquent des frontières comme des Etats et de leurs règles démocratiques. On est aussi amené à voir dans ces dérives, dans cette inhumanité, un signe supplémentaire des dangers inhérents à l’ultra-libéralisme. En terme médical, on parlerait de symptôme.

Vivendi. Suez. Thames Water. Ces immenses conglomérats de l’eau – pardon pour cette lapalissade – font penser au complexe militato-industriel (composé des chefs militaires et de diverses agences gouvernementales ainsi que des responsables de l’industrie de l’armement) contre lequel le Président Eisenhower avait mis en garde son pays.

Sans doute faut-il regarder et juger avec réserve et critiques ces entreprises du secteur de l’eau. Mais il faudra bien, un jour, proposer autre chose qu’un simple contrôle, une régulation du capitalisme ultra-libérale. Pour reprendre la thématique médicale, un médecin ne saurait se contenter d’accompagner ses patients dans leur maladie. Il doit aussi les soigner, les amener à guérir grâce aux remèdes à disposition.

En somme, lutter contre ces multinationales de l’eau et appeler à la mise en place d’une régulation internationale ne rendront pas meilleurs ces entreprises et les gens qui la composent. Dans le contexte actuel de la mondialisation, les Etats ne sont de toute manière plus en capacité d’organiser et d’assurer un contrôle sur ces organisations, si puissantes et diverses et tant dispersées géographiquement et financièrement. D’où d’ailleurs, peut-être – et à mon sens, la crise profonde que traverse actuellement la social-démocratie dont la régulation du capitalisme constitue la pierre angulaire.

Ce qui manque, au fond, c’est, je crois, un peu d’éthique.

Charles Comman/Otto Lustig